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Fondation 9 août 2017

Journal du Dimanche #1: Un bateau fantastique contre la pollution des mers.

Comme prévu retrouvez le premier article du 6 août dernier de Christel de Taddeo et d’Eric Loizeau sur l’Odyssée Race for Water. Cette saga sera publiée tous les dimanches du mois d’août dans les pages du Journal du Dimanche

Environnement :
« Race for Water » est une plateforme de recherches scientifiques et de sensibilisation à la préservation des océans
Expédition :
Ce bateau 100% autonome, alimenté par de énergies propres, vient de partir pour traquer la pollution

Avec ses 35 m de long et ses 500m2 de panneaux solaires, Race for Water est le plus grand navire solaire de la planète. Après avoir parcouru le premier tour du monde réalisé exclusivement à l’énergie solaire entre 2010 et 2012, l’ancien Planet Solar a été transformé en plateforme scientifique pour la recherche en milieu marin et a intégré la technologie hydrogène et une aile de traction pour encore plus d’autonomie. C’est à son bord que le navigateur et alpiniste Eric Loizeau, ambassadeur de la Fondation Race for Water, vient d’embarquer à Cuba pour une nouvelle expédition environnementale.

« Race for Water », car « c’est une course contre la montre pour les générations futures », ainsi que le rappelle le président de la Fondation, Marco Simeoni. « Si rien n’est fait, en 2050 il y aura autant de plastique que de poissons dans les océans ». Le but de cette organisation, dédiée à la préservation de l’eau, est de contribuer à l’avancement des connaissances scientifiques, mais aussi de sensibiliser le grand public ainsi que les décideurs et de mettre en place des solutions concrètes.

La pollution plastique est partout. « Même si on ne la voit pas forcément », explique Eric Loizeau, déjà à bord du trimaran MOD70 Race for Water en 2015 pour une première odyssée et un bilan alarmant démontrant l’impossibilité d’un nettoyage des océans à l’échelle mondiale. Pour aller plus loin, la Fondation a décidé de lancer une nouvelle mission avec un programme sur cinq ans, de 2017 à 2021, dans des zones pertinentes pour la recherche scientifique : Caraïbes et Pacifique ; Moyen-Orient et Méditerranée ; Pacifique Nord et Asie. « Parce que ce sont des mers où la pollution est très importante, des mers fermées ou proches de territoires à forte concentration démographique : Inde, Chine, Japon, USA », explique Eric Loizeau.

A bord de cet incroyable catamaran, des chercheurs vont pouvoir mener de nouvelles études sur la pollution plastique, la caractérisation des microplastiques, les effets toxicologiques des plastiques marins ou encore leurs impacts sur les écosystèmes. Race for Water est un laboratoire itinérant, mais aussi une plateforme pédagogique et un support de démonstration pour la promotion de solutions innovantes visant à lutter plus efficacement contre cette forme de pollution. Première étape : les eaux caribéennes.

Cette semaine, avec le concours de scientifiques cubains et norvégiens, l’équipe a réalisé des prélèvements de sédiments dans la baie de La Havane à Cuba. Mardi, le navire solaire repartira à destination de la République Dominicaine et de la Guadeloupe pour poursuivre sa mission. Ambassadeur de solutions écologiques pour la préservation des océans, Race for Water est aussi un outil au service de la transition énergétique, doté d’innovations lui permettant d’être 100% autonome sans avoir recours à des énergies fossiles.

Ce catamaran à propulsion électrique est équipé de deux moteurs de 60 kW alimentés exclusivement par des énergies propres et renouvelables à l’infini. Les panneaux photovoltaïques transforment le rayonnement solaire en énergie électrique qui est ensuite stocké dans des batteries se trouvant dans les coques du bateau et lui permettant de naviguer de jour comme de nuit. « Même si elles sont très performantes – ce sont les mêmes que celles utilisées dans les sous-marins -, nous manquions de stockage pour conserver l’énergie produite », explique Jean-Marc Normant, directeur technique du projet. Pour augmenter l’autonomie du bateau, l’équipe a notamment travaillé avec une société suisse (SwissHydrogen) qui a développé et réalisé des piles à combustible utilisant l’hydrogène produit par électrolyse.

Le système récupère l’eau de mer qui passe dans un désalinisateur et qui est filtrée. Un électrolyseur sépare ensuite l’oxygène et l’hydrogène qui est comprimé puis stocké dans les 25 bouteilles en carbone à 350 bars de pression. Ces réservoirs permettent de stocker environ 200 kg d’hydrogène qui vont être recombinés avec de l’oxygène présent dans l’air dans des piles à combustible pour générer de l’électricité. « Avec 7.400 kg de batteries à bord, on stocke 750kWh », précise Jean-Marc Normant. « La pile à hydrogène pèse 6.500 kg mais permet de stocker à elle seule 2.800 kWh. Près de quatre fois plus d’énergie ! » En couplant les deux, Race for Water est passé de deux à six jours d’autonomie complète en naviguant à une vitesse de 5 nœuds. « Ce n’est pas plus dangereux que de l’essence ou que n’importe quel carburant classique et c’est une énergie propre, insiste Jean-Marc Normant. C’est l’avenir du stockage électrique ! »

Le bateau a été aussi équipé d’une aile de kite autopilotée de 40 m2 qui peut être déployée à une altitude comprise entre 100 et 150 m d’altitude, où les vents sont plus forts et plus constants. « C’est bluffant de voir une aile aussi petite tirer cet énorme bateau », commente Jean-Marc Normant. Ce système d’aide à la propulsion par la force du vent, développé et commercialisé par une société allemande (Skysails), est une solution innovante et performante qui permet de doubler la vitesse du bateau lorsque les conditions sont idéales. Le bateau de 100 tonnes peut alors avancer à 8 nœuds (14,8 km/h) rien qu’avec la force du vent. Un boitier de commande permet de contrôler le kite à distance et l’aile dispose d’un pilote automatique. « C’est un peu comme si on avait un parapentiste qu’on tiendrait par la culotte », plaisante Jean-Marc Normant. Le kite est équipé d’un gyroscope permettant de déterminer l’orientation de l’appareil et d’un anémomètre pour mesurer la vitesse du vent. « Fort de ces paramètres, il est capable de voler tout seul », assure l’ingénieur.

Le pilote automatique génère des trajectoires sous forme de 8 à une vitesse importante (100 km/h) pour augmenter la force de traction. Ce système génère 10 à 25 fois plus d’énergie par mètre carré que les voiles classiques. « Dans des conditions idéales, c’est un peu comme si nous pouvions hisser 1.000 m2 de voilure », illustre Jean-Marc Normant. Il est aussi possible de passer en mode manuel pour piloter l’aile comme un planeur radioguidé. « Quand on veut le récupérer, on le met en mode stable à un angle neutre et on le redescend à l’aide d’un treuil qui se trouve à l’avant du bateau. » Le système est encore en développement. « On travaille notamment avec un système d’alimentation autonome du pilote automatique avec une petite éolienne génératrice d’électricité », confie le directeur technique du projet. « Pour l’instant, le pilote automatique est pourvu d’un système de batterie et en cas de panne électrique il risque de se « crasher » ; par conséquent, on doit le faire redescendre toutes les six heures pour remplacer la batterie. »

Si le système n’a pas encore rencontré un franc succès auprès des entreprises de fret maritime, c’est « parce que le prix du fioul a baissé, l’installation n’était plus aussi rentable pour les armateurs ; ça le deviendra si le prix du baril augmente », assure Jean-Marc Normant, évoquant aussi « l’annonce de nouvelles visions et stratégies politiques ». Si les considérations économiques priment encore souvent les préoccupations environnementales, Race for Water espère contribuer à faire avancer la science et les comportements. Avec un peu d’eau de mer, du vent et du soleil.

 

Source: Le Journal du Dimanche

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